Louise, 101 ans et bien dans son époque

Louise, sémillante centenaire, nous a accueillis dans son appartement du centre de Cherbourg où elle vit seule, en totale autonomie, depuis le décès de son mari voici quinze ans. Joviale et joyeuse, elle est curieuse de tout. Elle est le témoin vivant d’un monde qui a largement disparu mais qu’elle ne regrette pas. Au fil de l’entretien, nous découvrons une personne gaie, positive, bonne vivante, aimant les contacts humains et les rencontres. Louise est une personne attachante, d’une vitalité étonnante. Comment dès lors s’étonner que tout le monde aime « mamie Lou » ? Retour sur un siècle de vie.

Louise est née en Normandie, à Saint-Sauveur-le Vicomte (50), dans une maison en terre battue en lisière de bois. « J’ai eu une enfance très malheureuse, très pauvre avec mes parents et mes huit frères et sœurs. Nous mangions la soupe à l’hospice l’hiver », se remémore-t-elle. Il lui fallait faire trois kilomètres à pied le matin pour se rendre à l’école en empruntant des chemins remplis d’ornières. À cinq ans, Louise tombe malade et est sauvée par une goutte de champagne passée sur ses lèvres ! « En réalité, j’étais juste déshydratée », se souvient Louise, dans un sourire ! Cette vie à la campagne a été difcile mais Louise en conserve quelques bons souvenirs, comme ce geai, baptisé Charlot, que son
père avait apprivoisé et qui parlait !

Une vie cherbourgeoise

À treize ans, au décès de son père, elle quitte la maison familiale pour rejoindre une de ses sœurs à Cherbourg et travailler dans une flature. Les conditions d’emploi sont précaires. Elle décide de changer et travaille comme serveuse dans divers bars de la ville. Elle s’installe dans l’immeuble qu’elle n’a jamais quitté depuis ! « C’était alors un immeuble vétuste, l’eau et les toilettes étaient dans la cour ». Louise se marie et doit quitter Cherbourg durant la guerre pour se réfugier dans l’Orne. À la Libération – qui reste l’un de ses plus grands souvenirs –, elle revient à Cherbourg et mène une vie heureuse avec son mari, ses deux enfants et ses amis, avec lesquels elle noue de solides liens.

Elle termine sa vie professionnelle auprès d’une famille cherbourgeoise où elle s’occupe de quatre enfants. 70 ans dans le même immeuble ! Elle est la mémoire du quartier et se rappelle des halles, des boutiques aujourd’hui disparues. Mais nulle mélancolie dans les propos de Louise. Au contraire, sa gaité est contagieuse. Discuter avec elle revient à visiter un siècle de changements. « Du progrès, je prends tout. Nous n’avions pas grand-chose durant ma jeunesse. L’arrivée de la radio, de la machine à laver ou du frigidaire a changé ma vie. Je ne comprends pas les gens qui considèrent que c’était mieux avant », dit-elle.

Et aujourd’hui, Louise continue à s’intéresser au monde qui l’entoure. « Tous les matins, je prends mon petit-déjeuner en écoutant la radio puis je sors : je vais dans un café, je vois des gens. Et chaque semaine, je vais chez le coiffeur car je ne supporte pas d’être mal coiffée », précise Louise.

Ma seconde famille

« Je suis bien heureuse d’avoir connu les Petits Frères des Pauvres voici quelques années, je leur suis très attachée et reconnaissante ». Si Louise aime recevoir la visite des bénévoles, elle est aussi très attachée aux sorties collectives. Et que dire de la surprise que les bénévoles lui ont réservé pour ses 100 ans* en plein confinement ! « Je déjeunais chez moi et j’ai entendu de la musique dans la cour de l’immeuble, je suis allée voir et là, surprise, il y avait un accordéoniste, des ballons, des décorations, tout cela pour moi », raconte Louise, encore émue.

Cette fête a été le point de départ de nombreuses interviews de la presse locale, auxquelles Louise, surnommée « Mamie Lou », s’est prêtée bien volontiers. Depuis, elle reçoit des messages, est reconnue dans la rue, elle s’est même fait de nouvelles amies. Elle continue aussi de répondre aux médias locaux quand l’occasion se présente. « Je suis devenue une vedette, j’avoue être dépassée par ce succès, mais cela me plaît beaucoup », conclut-elle.

Article paru dans « Ensemble », le magazine des Petits Frères des Pauvres octobre 2021

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